dimanche 29 janvier 2012

La destruction du boisé des hirondelles de Saint-Bruno, ou la honte d’un sénateur

Plateau Milieu de Vie (PMV) quitte temporairement les sentiers battus des bois du Plateau pour ceux de… Saint-Bruno! 

Et il y a de bonnes raisons pour cette… bifurcation.

Depuis quelque temps déjà, on entend parler du projet domiciliaire de maisons de luxe qui pourrait voir le jour sur le site du Boisé des hirondelles, une des fôrêts autour du Mont Saint-Bruno.  C’est un écosystème qui abrite de nombreuses espèces dont certaines peut-être en voie de disparition.

Mais au-delà des considérations écologiques et de préservation des milieux naturels, il y a plusieurs autres questions troublantes dans le fait qu’encore aujourd’hui, on laisse aller de l’avant de tels projets. François Cardinal, dans la Presse du 11 janvier, a bien exprimé plusieurs des aberrations du projet dans son excellent article intitulé In-dé-fen-da-ble.http://www.cyberpresse.ca/debats/editorialistes/francois-cardinal/201201/10/01-4484570-in-de-fen-da-ble.php . Nous ne les répèterons pas ici.

Et nous ne répèterons pas les nombreuses interventions des citoyens-résidents de Saint-Bruno, dont certaines sont très convaincantes et offrent une analyse complète des enjeux et des raisons pour lesquelles le projet doit être empêché à tout prix.

Bien sûr, le parallèle est facile à établir avec le débat au sujet d’un possible développement domiciliaire à l’île Charron, site du parc des îles de Boucherville.  On se rappellera que la Ministre de l’époque, Line Beauchamp, était intervenue pour empêcher le projet. Aujourd’hui, où est le ministre de l’environnement?  Il est là par l’intermédiaire d’une porte-parole du ministère qui dit en substance que « le développement domiciliaire, c’est aussi du développement durable ».  

Pitoyable.

À la mairie, c’est aussi pitoyable.  Le maire Claude Benjamin n’a rien fait. Rien. C’est le même maire qui refusait il y a quelque temps d’augmenter les taxes foncières et déclarait que « le moyen d’avoir des revenus additionnels passe par la construction domiciliaire ».  Si on a bien compris, le rasage du boisé et 30 maisons de luxe = $$ pour Saint-Bruno.  Vraiment beau travail pour les citoyens-résidents de Saint-Bruno.  Créatif et innovateur, le maire… Sans compter les agissements du maire suppléant Arpin qui a muselé des représentants de groupes écoligiques prestigieux, David Fletcher, de la Coalition verte, et Don Hobus, du Sierra Club Québec, au cours du dernier conseil municipal, le 23 janvier, les empêchant de prendre la parole sous prétexte qu’ils étaient des « étrangers »… ne résidant pas à Saint-Bruno.

Honteux.

Mais il y a pire.  Que les citoyens-résidents du territoire soient obligés, aujourd’hui, de se mobiliser contre leur maire et l’administration publique en général pour empêcher de telles choses est incompréhensible.  Il est clair que le gouvernement du Québec doit maintenant intervenir afin de préserver pour l’avenir les dernières forêts et terres humides en milieu urbain et semi-urbain, et empêcher de façon définitive la construction d’habitations sur ces sites.  Bien sûr, des définitions devront être arrêtées.  Bien sûr, le féroce et très riche lobby du développement domiciliaire et de la spéculation à tout prix devra être confronté.  Bien sûr, il faudra « payer » pour récupérer ces terres et boisés qui, nous devrions l’admettre, n’auraient jamais dû se retrouver dans le domaine privé, à la merci des spéculateurs-développeurs et de tous ceux qui s’asseoient sur ces espaces acquis à peu de frais en attendant le bon moment pour une revente qui rapportera 10 ou 100 fois le prix payé. Il faut cette intervention qui mettrait fin, avec le temps, aux tentatives douteuses et sans scrupule de ce genre, et aux interventions à la pièce qui sont à recommencer à chaque fois qu’un spéculateur se montre le bout du nez.

On pourrait ici faire un parallèle avec la spéculation foncière sauvage dont nous sommes témoins sur le Plateau… Les dégâts causés par les spéculateurs-développeurs sans scrupule sont les  mêmes, qu’ils détruisent l’environnement et les milieux de vie ou détériorent l’environnement et le tissu socio-économique urbain. La différence est que notre maire d’arrondissement se tient fermement debout devant les spéculateurs, avec les moyens et pouvoirs limités dont il dispose, au nom d’une éthique sociale et du bien-être de ses concitoyens.  C’est courageux, et périlleux, parce qu’il s’oppose à un lobby  riche et tout-puissant, qui préfère de loin faire affaire avec les « gouvernements centraux » et passer par dessus la tête des citoyens-résidents. À Saint-Bruno, où est le maire dans la protection des intérêts de ses concitoyens? Avec le lobby du sénateur Massicotte?

Parce que le plus troublant dans tout cela, c’est peut-être que le « propriétaire » du boisé soit Paul J. Massicotte, originaire du Manitoba et nommé sénateur au Québec (Lanaudière) à l’âge de 51 ans par Jean Chrétien. Que M. Massicotte ait rendu, si jeune, de « bons et loyaux services » au parti libéral du Canada, qu’il ait été (et soit encore peut-être) un propriétaire et spéculateur foncier, qu’il ait œuvré de longues années dans l’immobilier un peu partout au Canada, et que cela lui ait sans doute rapporté une grande fortune personnelle, c’est son droit le plus strict.  Mais aujourd’hui, en tant que sénateur, en tant que personne qui occupe une charge publique de premier plan, avec toutes les exigences éthiques et morales que cela implique, n’étions-nous pas en droit de nous attendre, en tant que citoyens du territoire, à une démarche d’ouverture et d’avenir auprès de la municipalité, afin qu’une discussion puisse se faire avec les représentants des citoyens pour « remettre » cette forêt au domaine public? Le sénateur aurait peut-être « perdu » quelques millions (!?), mais moins de millions pour le boisé, avec son nom pour la postérité, n’est-ce pas mieux que de voir son nom associé à la destruction d’un milieu naturel dont la rareté ne cesse de s’exacerber, et le tout pour 30 misérables demeures? … ou sont-ce 30 deniers?  Est-ce bien digne d’un sénateur?

Et pourquoi ce dossier avance-t-il si rapidement et facilement, sans un mot de Québec? Un sénateur « libéral », peut-être?

Mobilisons-nous.  Indignons-nous une fois de plus. La pétition en ligne à l'assemblée nationale, qui a été fermée le 19 janvier, a recueilli 4,000 signatures.  Ce ne doit pas être la dernière.  Écrivons au Sénateur Massicotte.  Écrivons au maire Benjamin.  Écrivons au Ministre Arcand… Et peut-être aussi à Bob Rae? Qui sait, peut-être pourrait-il glisser un ou deux mots de bon sens à l’oreille du sénateur?

Denis Méthé
Pour Plateau Milieu de Vie