Économie de nuit & Fun City…
Mardi le 29 novembre, des citoyens représentant Plateau Milieu de Vie (PMV), le comité des citoyens du Mile End, le comité des résidents De Lorimier et le comité des résidents de la rue Rivard rencontraient deux fonctionnaires de la division du développement économique et urbain (Arrondissement et Ville-Centre) dans le cadre de consultations sur ce qu’il est maintenant convenu d’appeler « l’économie de nuit ». Jusque là, des consultations avaient été faites auprès certaines sociétés de développement commercial et d’organismes culturels.
La personne responsable du dossier à la Ville-centre nous a rappelé que la démarche se situait dans le cadre de la stratégie de développement économique de la Ville; le comité exécutif a demandé que l’on étudie le « …concept d’économie de nuit en émergence dans les métropoles du monde et de mesurer son applicabilité à Montréal, en tenant compte des besoins, du potentiel, des coûts et des retombées ».
Dans un court document de mise en contexte, on donne en exemple Sydney, Londres, Paris, Lyon et quelques autres, ainsi que « la charte de la qualité de la vie nocturne » de Grenoble, adoptée entre autres à Lille et Lyon.
Au cours de notre rencontre, tous se sont opposés au concept d’économie de nuit qui serait largement basé sur l’ouverture des bars jusqu’au petit matin. Nous sommes allés jusqu’à dire que le statu quo était tout juste acceptable. Et bien qu’il n’y ait pas de projet précis pour aller de l’avant avec l’étendue des heures d’ouverture des bars, on se souviendra de la sortie de Gilbert Rozon il y a quelques semaines et de sa proposition de créer une « Fun City » à Montréal, genre de foire 24/7 dans une zone délimitée par McGill à l’ouest, le fleuve au sud, Papineau à l’est et la track au nord… Un Cancun du Nord, quoi ! On se souviendra aussi que la réaction citoyenne ne l’avait pas trouvée drôle, en tout cas moins que le festival Juste pour rire… Mais le maire Tremblay et le directeur du SPVM eux, avaient trouvé que l’idée méritait d’être explorée.
Nous y voici donc…
Ce n’est pas une bonne idée. En fait, c’est une très mauvaise idée, une farce de mauvais goût. Nous ne sommes plus là, et les villes que la Ville(!) cite en exemple ont de graves problèmes de sécurité, de bruit, d’incivilités, de saleté et de salubrité. Certaines ont même chuté dans le palmarès des villes où il fait bon vivre et que les touristes recherchent. De plus, c’est déjà une « vieille idée ». En effet, ce concept a été mis de l’avant un peu partout il y a plus de 10 ans, et ses effets négatifs sur l’environnement urbain et la qualité de vie commencent à être étudiés et documentés.
Et pourquoi ça ne va pas? Nous avons fait notre petite recherche. Et si vous pensez que nous sommes puritains, réactionnaires et dépassés, eh bien! Think again!
Tout d’abord, les villes cherchent à attirer et à garder une population urbaine résidante pour la quelle il faut assurer une qualité de vie, une proximité de services et de commerces attrayants, tout en assurant aussi une certaine quiétude. Voilà qui entre en en conflit direct avec une nuit agitée, animée par une faune jeune… très jeune, qui est « migrante » et n’habite pas en ville, qui boit toute la nuit, est très bruyante, pas toujours décente et trop souvent malpropre… Les exemples abondent : À Sydney, les photos sur Internet montrent une zone sinistrée tôt le matin, à l’heure où les travailleurs de jour sortent de chez eux… Joyeux spectacle avant le travail… À Lyon, on déclare carrément que la charte de qualité de la vie nocturne est complètement inutile parce que non-respectée. Chez-nous, même les citoyens représentant la rue Rivard, qui sont aussi les auteurs du code de bon voisinage » ont affirmé au cours de la réunion de mardi que trois ans plus tard, rien n’a changé dans le comportement de la plupart des établissements commerciaux ou de leur clientèle à l’endroit des résidents. À Paris, les « états généraux de la nuit » auxquels réfère le document de la Ville cachent un malaise profond et un fossé qui s’élargit entre les résidents-riverains en colère et des associations d’établissements insouciants et inconscients face aux problèmes qu’ils génèrent avec leur clientèle nocturne. Et dire qu’ici, sur le Plateau, la SDC de l’avenue du Mont-Royal essaie de nous faire croire que l’avenir est dans sa « charte de vie nocturne » et que la coercition est chose du passé… Allô? Il y a quelqu’un??
Et les problèmes sont nombreux et difficiles à résoudre. Dans un excellent rapport, mais aussi dévastateur intitulé « London’s Night Time Economy, November 2005 »http://legacy.london.gov.uk/assembly/reports/econsd/night-time-econ.pdf préparé pour la London Assembly (le conseil de ville de Londres), la présidente du comité d’élus chargé d’étudier la question a offert des conclusions définitives et des recommandations audacieuses sur la question. Dans le style direct et succinct qui caractérise les Anglais, le rapport est limpide sur les objectifs contradictoires de l’économie de nuit et les efforts de la City pour attirer de nouveaux citoyens. Exposant clairement que la nuit (« after midnight ») on ne retrouve que des jeunes dans les rues de Londres, et que seuls les bars et clubs peuvent prospérer, à cause de la vente d’alcool. Le rapport démontre à quel point les problèmes de sécurité, d’incivilités, de salubrité et de propreté sont aigus; les « Boroughs » (arrondissements) n’ont pas les moyens d’assurer la sécurité ni de nettoyer les lieux. Les gens d’affaires, pour leur part, admettent que seuls les bars peuvent espérer faire des profits, surtout à cause du coût des loyers commerciaux, ajoutant que de nouveaux bars signifient plus d’ivresse sur la voie publique avec les problèmes associés. Les choses sont à un point tel que les résidents ont identifié des « no-go booze zones » (zones d’ivresse à éviter), véritables zones sinistrées une fois les saoulons rentrés chez eux…
Le rapport recommande une meilleure coordination entre les Boroughs et la City, un mot à dire plus important des Boroughs dans la planification de l’aménagement urbain et du développement commercial, une limite à la concentration des bars, une obligation pour le propriétaire de bar de rendre les lieux acceptables sur le plan acoustique avant l’ouverture, et j’en passe… Mais surtout, avant de permettre l’ouverture de nouveaux établissements, ou la création de « zones nocturnes » le rapport recommande au préalable une consultation avec les Boroughs et les résidents. Enfin, on suggère que les propriétaires d’établissements nocturnes soient tenus responsables du comportement de leur clientèle et qu’ils participent aux coûts associés à la sécurité et au nettoyage des lieux publics…
Wow!
Pour Montréal? Non. Pas ça. La réponse, vous la trouvez sur St-Laurent et ses rues résidentielles limitrophes, entre Sherbrooke et Mont-Royal, les nuits de jeudi, vendredi, samedi et dimanche : C’est notre petit Cancun-en-Québec. Trop grande concentration de bars pseudo-branchés, ultra-bruyants, nuits blanches garanties pour les résidents. Vandalisme de voitures, défécations sur voie publique, cris et clameurs, saleté garantie au petit matin, pneus qui crissent à 4 heures du matin. Autre avant-goût? Les bars de Rachel la nuit, où les interventions policières ciblées des dernières semaines ont résulté en plusieurs dizaines de constats d’infractions pour tapage nocturne, vandalisme, uriner sur la voie publique, boire sur la voie publique, etc, etc..
Alors vous voyez ça dans toute la Zone-à Rozon, où vivent peut-être 250,000 personnes? Vous aurez ça un peu partout, jusqu’à 7 heures du matin…
Nous, on ne veut pas. Et vous ?
Donc, les consultations vont se poursuivre au cours des prochaines semaines, et un rapport devrait être déposé au Conseil exécutif de la Ville au cours de l’hiver. Plateau Milieu de Vie suivra ce dossier. La responsable du dossier à la Ville-centre nous a dit que nous pouvions compter obtenir une mise-à-jour au début de l’année 2012.
Entretemps, n’hésitez pas à nous contacter, à vous informer, à poser des questions, à diffuser votre opinion sur le sujet.
Enfin, si votre anglais vous y invite, je vous recommande de lire l’excellent rapport « London’s Night Time Economy ». C’est si bon, que c’est tout ce que vous vouliez savoir sur l’économie de nuit et que vous n’avez jamais osé demander. Et après l’avoir lu, vous vous demanderez où s’en va Montréal avec ça, littéralement « Ten Years After », ou mieux, « Ten years too late »,… encore!
Denis Méthé
Pour PMV
Euh, j’oubliais : À qui profiterait cette économie de nuit, déjà?... Et, est-ce qu’ils restent en ville?